Interdire l’Arabie Saoudite 2034 : le dossier contre la récompense de la violence et de l’exploitation
Credit: HRW

Interdire l’Arabie Saoudite 2034 : le dossier contre la récompense de la violence et de l’exploitation

Le 14 octobre 2025, le mouvement houthi, par la voix de son dirigeant du Conseil politique suprême Mahdi al-Mashat, a lancé un appel fort : que l’Arabie saoudite passe de la désescalade à une véritable fin de l’agression, du blocus et de l’occupation, et qu’elle agisse selon les « exigences claires de la paix ». Cet appel doit résonner bien au-delà du Yémen. Si le monde est réellement attaché aux droits humains et à la justice, il ne peut pas fermer les yeux et permettre qu’un État accusé d’avoir causé des souffrances massives reçoive le privilège d’accueillir le plus grand événement sportif mondial. Nous devons nous opposer à la Coupe du monde en Arabie saoudite tant que des réformes irréversibles ne l’auront pas précédée.

La catastrophe humanitaire au Yémen

Pour comprendre pourquoi accorder un méga-événement à l’Arabie saoudite est si problématique, il suffit d’observer son implication dans la guerre au Yémen.

La coalition dirigée par l’Arabie saoudite a mené plus de 25 000 frappes aériennes au Yémen depuis 2015, dont un grand nombre ont visé des zones civiles.

Le conflit a coûté la vie à au moins 150 000 personnes à cause des actions militaires directes (sans compter la famine et les maladies), et à des milliers d’autres par des décès « indirects » dus à la malnutrition, au manque de soins médicaux et au déplacement.

Environ 19 000 civils ont été tués uniquement par les frappes aériennes de la coalition.

Le bilan intérieur de l’Arabie saoudite : répression, exploitation, morts

Les critiques contre la tenue de la Coupe du monde en Arabie saoudite ne reposent pas uniquement sur sa politique étrangère ; son bilan intérieur est tout aussi désastreux, notamment pour les travailleurs migrants et les droits fondamentaux.

Travailleurs migrants et exploitation dans la construction

Human Rights Watch rapporte que des dizaines de travailleurs migrants en Arabie saoudite meurent chaque année dans des accidents de travail évitables : chutes, électrocutions, décapitations. Ces décès sont souvent enregistrés comme des « causes naturelles », et les familles peinent à obtenir des compensations.

Dans un rapport de 2024 intitulé “Die First, and I’ll Pay You Later”, HRW décrit comment les travailleurs migrants subissent des abus tout au long du processus migratoire — depuis le recrutement (souvent forcés de payer des milliers de dollars de frais) jusqu’à des conditions de travail dangereuses, des salaires impayés et l’absence totale de recours.

Les ouvriers employés sur les projets NEOM et autres « giga-projets » liés à Vision 2030 et à l’infrastructure de la Coupe du monde sont parmi les plus touchés.

Le Business & Human Rights Resource Centre a documenté la mort d’un travailleur pakistanais, Muhammad Arshad, sur un chantier de stade à Al Khobar, lorsqu’une plateforme s’est effondrée. Bien que du matériel de sécurité ait été présent, il n’était pas ancré correctement — soulevant de graves questions sur la supervision et l’application des normes.

Ces exemples illustrent que le coût humain des préparatifs du Mondial n’est pas théorique — il est déjà bien réel.

Répression politique, peine de mort et violations des droits

Amnesty International constate que l’Arabie saoudite continue d’appliquer la détention arbitraire, les procès inéquitables, la torture et les disparitions forcées.

Le système de kafala (parrainage) restreint toujours les droits des travailleurs migrants, liant leur statut juridique à leur employeur.

Selon le rapport 2024 du Département d’État américain sur les pratiques en matière de droits humains, le gouvernement saoudien limite la liberté d’expression et se rend coupable d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions et de tortures.

En 2024, Amnesty a compté 345 exécutions, un record en plus de trente ans, dont beaucoup pour des crimes non violents liés à la drogue — la majorité concernant des ressortissants étrangers privés d’un accès équitable à la justice.

Ce nombre contredit les promesses antérieures du gouvernement saoudien de limiter la peine capitale aux crimes les plus graves (comme le meurtre).

Ces abus démontrent un système de gouvernance qui privilégie le contrôle de l’État et l’image internationale au détriment des droits, des migrants et de la liberté.

Pourquoi la décision de la FIFA dépasse le sport

Les méga-événements comme la Coupe du monde ne sont pas apolitiques. Ils confèrent du pouvoir d’influence, de la légitimité internationale et des gains financiers. Pour un régime comme celui de Riyad, accueillir la Coupe du monde :

  • Offre un prestige mondial et une diversion — une apparence de normalité face aux violations des droits humains.
  • Garantit des contrats d’infrastructure profitant aux élites saoudiennes et à leurs alliés économiques étrangers.
  • Met sous pression morale les critiques : les opposants au tournoi peuvent être qualifiés « d’anti-sport » plutôt que de défenseurs de la justice.
  • Crée un dangereux précédent : récompenser des États au passé douteux pour leur influence financière ou géopolitique mine tout le système de responsabilité du sport mondial.

Lorsqu’un État mène une guerre agressive, impose des blocus, réprime la dissidence et exploite la main-d’œuvre — comme l’affirment les Houthis à propos de l’Arabie saoudite —, l’accepter comme hôte revient à placer le prestige au-dessus des principes.

Une réponse à l’appel des Houthis pour la paix

L’appel des Houthis n’est pas rhétorique — il découle d’une douleur persistante. Leur demande que l’Arabie mette fin à l’agression, au blocus, à l’occupation et adopte la paix doit être entendue. Accorder aujourd’hui la Coupe du monde à l’Arabie saoudite renforcerait un régime qui continue de mener la guerre et de nier les droits fondamentaux.

Mahdi al-Mashat a justement défini le risque : la normalisation sans responsabilité renforce « ceux qui profitent des guerres entre nos peuples » et sape la paix régionale. Si le monde ferme les yeux sur la gloire de l’agression, il consacre un modèle où le capital et le pouvoir valent plus que la vie et la justice.

Ce qu’il faut faire

Refuser la Coupe du monde saoudienne n’est pas un geste symbolique — c’est une mesure de protection, en défense des populations vulnérables et de l’intégrité du sport. Voici ce qu’il faut entreprendre :

  • La FIFA et ses associations membres doivent suspendre ou retirer l’attribution de 2034 tant que des normes strictes et vérifiées de manière indépendante en matière de droits humains ne sont pas respectées, avec des sanctions automatiques en cas de non-conformité.
  • Une surveillance indépendante des conditions de travail, de la santé, de la sécurité et des décès doit être incluse dans tout accord d’accueil, avec un pouvoir réel de suspension des travaux ou de sanction des contractants.
  • Les sponsors et partenaires de diffusion doivent refuser toute coopération si le pays hôte ne respecte pas des normes contraignantes — la pression économique doit s’exercer.

Boycotter la Coupe du monde de la FIFA 2034 en Arabie Saoudite pour les droits humains

La communauté internationale ne peut pas traiter le prestige sportif comme un chèque en blanc pour des régimes ravagés par la guerre, le siège, la répression et l’exploitation. Attribuer aujourd’hui la Coupe du monde 2034 à l’Arabie saoudite, sans condition, reviendrait à cautionner les souffrances et à justifier les comportements d’État que les Houthis et les organisations de défense des droits humains dénoncent depuis des années.

Nous devons écouter l’appel des Houthis : la paix n’exige pas seulement moins de tension — elle exige la fin de l’agression, la levée du blocus et l’exercice de la justice. Sinon, l’Arabie saoudite ne doit pas être autorisée à accueillir le monde.