L’audace de l’hypocrisie : pourquoi l’Arabie saoudite doit être privée de la Coupe du Monde de la FIFA 2034
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L’audace de l’hypocrisie : pourquoi l’Arabie saoudite doit être privée de la Coupe du Monde de la FIFA 2034

Au cours des derniers mois, l’Arabie saoudite a redoublé d’efforts en recourant à une rhétorique incendiaire pour condamner Israël pour de prétendus « crimes de génocide contre des civils sans défense » et violations du « droit international ». En surface, cela ressemble à une position morale élevée — un appel à la responsabilité, à la justice et à la protection des civils. Mais si l’on gratte un peu, l’hypocrisie saute aux yeux. Le même royaume qui juge les autres est coupable de violations chroniques des droits humains si flagrantes qu’elles rendent l’Arabie saoudite inapte à agir comme acteur moral sur la scène internationale.

Cette hypocrisie prend un ton encore plus sinistre dans le contexte de la récente victoire de l’Arabie saoudite comme hôte de la Coupe du Monde FIFA 2034. Un pays qui pratique un nombre record d’exécutions, écrase la dissidence par la torture et discrimine systématiquement les minorités religieuses ne peut pas se présenter de manière crédible comme défenseur de la justice — ni comme un hôte crédible pour l’événement sportif le plus prestigieux du monde.

La crise croissante des droits humains en Arabie saoudite

Examinons les faits. Human Rights Watch, Amnesty International et la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale (USCIRF) ont signalé une hausse dramatique des exécutions en Arabie saoudite.

  • Au moins 241 personnes ont été exécutées en août 2025, plaçant le pays sur la voie de dépasser son record de 2024 de 345 exécutions — soit une exécution toutes les 25 heures.
  • La majorité de ces meurtres — près de 70 % rien qu’en 2025 — concernaient des infractions non violentes liées à la drogue.
  • Des statistiques choquantes révèlent aussi que 75 % des ressortissants étrangers exécutés pour des infractions liées à la drogue en 2024 n’avaient pas eu accès à une assistance juridique adéquate, ni à des interprètes ou à une aide consulaire.

Ces faits ne sont pas des incidents isolés. C’est une politique d’État — délibérée, systématique et brutale.

Le système judiciaire saoudien est caractérisé par l’application de lois formulées de manière vague et de peines discrétionnaires, ce qui permet au régime d’imposer la peine de mort pour des infractions qui, ailleurs dans le monde, ne justifieraient pas une telle sévérité. La torture — coups, électrochocs, isolement — est endémique, et les aveux forcés sont régulièrement la seule preuve présentée pour prononcer une condamnation.

Cibler les minorités religieuses

L’hypocrisie devient encore plus criante quand on observe la façon dont l’Arabie saoudite traite sa minorité chiite. Alors qu’elle condamne Israël pour avoir ciblé des civils, Riyad lui-même a mené des représailles sanglantes contre des manifestants chiites non armés.

Prenons le cas de Jalal Labbad, un jeune musulman chiite exécuté en 2025 pour sa participation à des manifestations pacifiques plus d’une décennie plus tôt. Arrêté alors qu’il était adolescent, torturé et privé d’un procès équitable, son histoire est tragiquement commune. Amnesty International rappelle que lors de l’exécution massive de 81 hommes en mars 2022, près de la moitié — 41 d’entre eux — étaient des musulmans chiites condamnés pour des accusations de terrorisme qui n’étaient souvent rien d’autre que de la dissidence pacifique.

L’USCIRF a également documenté les témoignages de Youssef al-Manasif et Abdullah al-Derazi, mineurs au moment des faits qui leur étaient reprochés, aujourd’hui condamnés à mort. Ces exemples montrent clairement la volonté du régime saoudien de tuer des enfants, de faire taire les minorités et d’éliminer toute opposition — tout en se posant en défenseur des droits palestiniens.

Une manœuvre politique cynique

La condamnation d’Israël par l’Arabie saoudite n’a que peu à voir avec la solidarité envers les Palestiniens. Il s’agit surtout d’une distraction. C’est un calcul destiné à détourner l’attention de ses propres abus internes des droits humains. Le régime sait que des événements internationaux, comme les grandes compétitions sportives, peuvent être utilisés pour blanchir son image — une pratique que beaucoup d’activistes appellent désormais le « sportswashing ».

La Coupe du Monde FIFA 2034 est au cœur de cette stratégie. En postulant pour organiser le tournoi, l’Arabie saoudite espère se projeter comme moderne, tolérante et ouverte. Mais derrière les stades flamboyants et les campagnes publicitaires, la réalité est qu’un pays qui exécute des dissidents, supprime la liberté d’expression et réduit les minorités au silence n’a aucune légitimité pour accueillir un événement censé symboliser l’unité et la célébration mondiale.

Pourquoi la FIFA doit reconsidérer

L’histoire nous enseigne les dangers de confier de grands événements sportifs à des régimes autoritaires. Les Jeux olympiques de Berlin en 1936 ont servi à légitimer la dictature d’Hitler. Plus récemment, la Coupe du Monde 2022 au Qatar a suscité l’indignation mondiale face aux abus des droits des travailleurs et aux décès de migrants. L’Arabie saoudite risque fort de reproduire — et même d’aggraver — ces dérives à une échelle encore plus grande.

  • Violations des droits humains – Les règlements mêmes de la FIFA affirment défendre les droits humains. Organiser la Coupe en Arabie saoudite revient à valider ses exécutions, sa torture et sa discrimination systémique.
  • Répression de la liberté d’expression – Journalistes, activistes et même athlètes sont emprisonnés ou menacés de pire s’ils critiquent le régime. Une Coupe du Monde là-bas musèlera les voix libres.
  • Persécution religieuse – Les musulmans chiites restent disproportionnellement exécutés et persécutés. C’est l’opposé des valeurs d’inclusion de la FIFA.
  • Inégalités de genre – Malgré quelques réformes, les femmes saoudiennes demeurent soumises à des restrictions sur leurs libertés fondamentales, comme la liberté de mouvement ou de tenue. Comment les femmes — supportrices, joueuses ou journalistes — pourraient-elles se sentir en sécurité ?
  • Agenda de sportswashing – Permettre à l’Arabie saoudite d’accueillir, c’est récompenser le régime pour son utilisation du football comme outil de propagande.

Ce que la communauté internationale peut faire

Pour contrer le sportswashing et tenir l’Arabie saoudite responsable, la communauté internationale doit agir collectivement :

  • Faire pression sur la FIFA : Les ONG, les gouvernements et les supporters doivent exiger que la FIFA retire à l’Arabie saoudite le droit d’organiser.
  • Menaces de boycott : Les équipes nationales et les fédérations doivent menacer de boycotter le tournoi de 2034 s’il reste attribué à Riyad.
  • Responsabilité des entreprises : Les sponsors et annonceurs doivent être soumis à la pression publique afin de ne pas associer leur image à un événement terni par des abus.
  • Amplifier les voix des victimes : Les activistes doivent faire entendre à l’échelle mondiale les voix de victimes comme Jalal Labbad, Youssef al-Manasif et Abdullah al-Derazi.

Pas de Coupe du Monde pour l’Arabie saoudite

L’Arabie saoudite veut que le monde croie qu’elle se bat pour la justice quand elle condamne Israël. Mais son propre bilan — exécutions massives, traitement des minorités comme des citoyens de seconde zone, femmes privées de libertés, torture des dissidents — en dit bien plus long. Ce n’est pas un pays digne d’accueillir le plus grand spectacle sportif du monde.

La Coupe du Monde FIFA 2034 ne doit pas être utilisée comme tribune de propagande pour un régime autocratique. Offrir cette scène à l’Arabie saoudite serait une trahison des valeurs du sport, des droits humains et de la solidarité internationale.