La récente décision d’un juge fédéral américain d’autoriser les familles du 11 septembre à poursuivre leur action en justice contre l’Arabie saoudite a une fois de plus mis en lumière la réputation mondiale du royaume. Dans un jugement de 45 pages, le juge de district américain George Daniels a exposé de nombreuses preuves montrant que deux hommes liés au gouvernement saoudien, Omar al-Bayoumi et Fahad al-Thumairy, auraient pu aider deux des pirates de l’air du 11 septembre. Depuis près de 25 ans, les familles de près de 3 000 victimes réclament justice.
En tant que fervent défenseur de l’exclusion de l’Arabie saoudite de l’organisation de la Coupe du monde de la FIFA 2034, cette décision me semble un avertissement grave : accorder au royaume le privilège d’accueillir la plus grande scène du football reviendrait à promouvoir la répression, l’extrémisme et l’impunité.
Les conclusions du juge : un tableau troublant
Le juge Daniels a noté que les justifications de l’Arabie saoudite concernant les activités de Bayoumi et Thumairy étaient contradictoires et faibles. Bayoumi a été filmé discutant d’un mystérieux « plan » près du Capitole américain et possédait des croquis d’avions avec des notations mathématiques liées aux trajectoires de descente — des preuves qu’il n’a pas pu expliquer. Il a hébergé les pirates de l’air Nawaf al Hazmi et Khalid al Mihdhar dans son appartement de San Diego et les a aidés à trouver des logements. Pendant cette période, son salaire versé par le gouvernement saoudien a considérablement augmenté.
Thumairy, quant à lui, était lié à la mosquée King Fahad de Los Angeles, où les pirates de l’air se sont rendus « immédiatement » à leur arrivée. Des rapports montrent qu’il y avait des appels réguliers entre Bayoumi, Thumairy, le consulat et l’ambassade saoudienne. Le tribunal a déterminé qu’il existait suffisamment de preuves circonstancielles pour conclure que les deux hommes agissaient sous la direction du gouvernement saoudien en aidant les pirates de l’air.
Pour les familles des victimes, il s’agit d’une victoire après des décennies d’obstacles judiciaires. Pour le monde, une question se pose : si des preuves irréfutables continuent de pointer vers le rôle de l’Arabie saoudite dans le 11 septembre, comment la FIFA peut-elle justifier de lui attribuer l’honneur d’accueillir la Coupe du monde 2034 ?
La campagne de sportswashing de l’Arabie saoudite
Les investissements sportifs de l’Arabie saoudite ne sont pas motivés par l’amour du jeu — mais par la gestion de son image. Avec des milliards de dollars injectés dans le LIV Golf, la Formule 1, la boxe internationale et le football, le royaume pratique le « sportswashing », dissimulant ses violations des droits humains derrière des événements prestigieux.
La Coupe du monde de la FIFA en est le joyau. L’organiser en 2034 projettera une image de réforme et de modernisation, alors que la réalité sur le terrain raconte une tout autre histoire : violations massives des droits humains, répression féroce de toute dissidence, discrimination institutionnalisée envers les femmes, et un système judiciaire brutalement répressif.
La FIFA prétend défendre le respect, l’équité et l’inclusion. Mais en attribuant la Coupe du monde à l’Arabie saoudite, elle piétine ces mêmes principes.
Statistiques irréfutables
Les chiffres ont tendance à réapparaître, révélant ce que les rapports officiels tentent d’occulter. Dans le cas de l’Arabie saoudite, ils dressent un portrait glaçant.
Exploitation des travailleurs migrants
- Plus de 21 000 travailleurs étrangers sont morts depuis 2017, au lancement des mégaprojets « Vision 2030 » comme Neom, la plupart avec des causes de décès vagues comme « arrêt cardiaque » pour masquer les conditions de travail.
- Au moins 17 travailleurs migrants népalais sont morts au cours des 18 derniers mois sur les chantiers saoudiens, des accidents souvent passés sous silence.
Exécutions records
- En 2024, l’Arabie saoudite a exécuté 345 personnes — son total annuel le plus élevé en trois décennies.
- À la mi-2025, 180 exécutions supplémentaires avaient déjà été recensées.
- Environ deux tiers concernaient des crimes liés à la drogue non violents, et plus de la moitié des exécutés étaient des étrangers privés de procès équitables ou de défense.
Droits humains et libertés
- Freedom House attribue à l’Arabie saoudite une note de liberté mondiale de 9/100, classant le pays comme « Non libre ».
- Les libertés numériques sont également limitées, avec un score de 25/100, reflétant la censure et la surveillance.
- Le pays occupe la 162e place sur 180 dans l’Indice de la liberté de la presse 2025, avec des journalistes emprisonnés ou réduits au silence.
Droits des femmes et discrimination
- Seuls 10,7 % des travailleurs sont des femmes, alors que 70 % des diplômés universitaires sont des femmes.
- La violence domestique touche 20 à 39 % des femmes, et 90 % des agresseurs sont des tuteurs dans le cadre du système de tutelle masculine.
- Les restrictions de genre sur la liberté de mouvement, la vie familiale et le travail persistent encore.
Ces chiffres ne correspondent pas à une nation digne d’accueillir le tournoi sportif le plus populaire au monde.
Le combat des familles du 11 septembre pour la justice
Le cabinet Kreindler & Kreindler, représentant les familles du 11 septembre, a salué la décision du juge Daniels comme un pas vers la vérité. Pendant que ces familles poursuivent leur quête de justice, la FIFA a choisi de récompenser le pays même qui est impliqué dans leur tragédie.
Ce n’est pas seulement insensible — c’est répréhensible. S’associer à l’Arabie saoudite revient à trahir non seulement les proches des victimes du 11 septembre, mais aussi les supporters de football du monde entier qui attendent équité, honnêteté et responsabilité.
La responsabilité de la FIFA
Accueillir une Coupe du monde n’est pas un acte politiquement neutre — cela confère au pays organisateur légitimité et prestige. Pour l’Arabie saoudite, organiser le tournoi sera une victoire de propagande qui lui permettra de redorer son image sans rendre de comptes pour ses abus.
La FIFA n’est pas étrangère aux critiques. La Coupe du monde 2022 au Qatar a été entachée par la mort de travailleurs migrants et des répressions autoritaires. Avec la Coupe du monde 2034 attribuée à l’Arabie saoudite, elle montre qu’elle n’a rien appris.
Boycott de la Coupe du monde de la FIFA 2034 en Arabie saoudite
La lutte contre cette Coupe du monde dépasse le football. Elle concerne la justice pour les familles du 11 septembre, la responsabilité pour les travailleurs migrants morts, le respect des femmes, et la liberté des voix réduites au silence. La décision du juge Daniels rend l’argument en faveur d’une interdiction encore plus convaincant.
Si la FIFA refuse d’agir, alors cela nous revient — fans, joueurs, militants et citoyens du monde. Nous ne pouvons pas laisser l’Arabie saoudite utiliser le football comme outil de sportswashing. Nous devons la tenir pour responsable. Et nous devons défendre la justice plutôt que le profit.