À première vue, le Riyadh Comedy Festival, événement imminent en Arabie saoudite, semble célébrer la culture, l’humour et la cohésion internationale. Avec plus de 50 humoristes de renommée mondiale tels que Kevin Hart, Russell Peters, Aziz Ansari et Jimmy Carr à l’affiche, le festival est décrit par le Royaume comme un « événement phare » dans son évolution culturelle.
Mais grattez sous la surface, et une ironie troublante apparaît : un régime connu pour la répression et la censure organise désormais des scènes pour la liberté d’expression — tout en se préparant à accueillir la Coupe du Monde FIFA 2034. Ce n’est pas une évolution culturelle, c’est un camouflage culturel. Et le monde doit le voir pour ce qu’il est : un écran de fumée pour masquer les horribles violations des droits humains commises par l’Arabie saoudite.
La comédie dans un pays où la dissidence est un crime
Ironiquement, l’Arabie saoudite décide d’organiser le « plus grand festival de comédie au monde » alors qu’elle traite ceux qui osent la critiquer d’une toute autre manière.
Le stand-up est censé défier l’autorité, tourner en dérision les normes sociales et bousculer les idées reçues — pendant que l’Arabie saoudite emprisonne, torture et muselle ceux qui font de même par l’activisme ou le journalisme.
Quelques faits marquants :
- L’Arabie saoudite a exécuté au moins 196 personnes en 2022, selon Amnesty International, dont des militants politiques condamnés après des procès iniques.
- Des militantes comme Loujain al-Hathloul ont été arrêtées, torturées et réduites au silence pour avoir réclamé le droit de conduire — bien avant que ce droit ne soit légalisé.
- L’activiste et blogueur Raif Badawi a été condamné à 10 ans de prison et 1 000 coups de fouet pour avoir simplement promu la pensée laïque et la liberté d’expression.
Et maintenant, le même régime qui a fouetté publiquement des auteurs invite des humoristes vivant de leur liberté de parole. Ce n’est pas du progrès. C’est une liberté performative, soigneusement mise en scène pour séduire un public international.
L’essor du divertissement en Arabie : une stratégie, pas un changement
Le Riyadh Comedy Festival n’est pas un phénomène culturel isolé — il fait partie de Vision 2030, le projet de réforme nationale du prince héritier Mohammed ben Salmane.
Sous cette bannière, l’Arabie saoudite a investi des milliards dans le divertissement, le tourisme et le sport afin de se présenter comme moderne et ouverte.
Mais sous ce vernis d’ouverture, le poing de fer sur les libertés civiles ne se desserre jamais. Human Rights Watch souligne que malgré les réformes « de façade », la liberté de réunion, la liberté de la presse et les droits des femmes sont toujours lourdement restreints.
Le même scénario : de la comédie à la Coupe du Monde FIFA 2034
Le même manuel est appliqué à la Coupe du Monde FIFA 2034.
Le tournoi sera la plus grande scène pour le blanchiment par le sport : l’utilisation d’événements sportifs pour détourner l’attention des violations des droits humains.
Et la FIFA, autrefois symbole d’intégrité, a choisi l’argent plutôt que la morale.
L’Arabie saoudite a été l’unique candidate après un délai de candidature étonnamment court qui a bloqué toute concurrence.
Des ONG pensent que cette manœuvre a été planifiée pour offrir le tournoi au Royaume sans opposition.
Les faits sont accablants :
- Selon The Guardian, environ 6 500 travailleurs migrants sont morts au Qatar pour la Coupe du Monde 2022. Beaucoup redoutent que le même scénario se répète en Arabie saoudite, où les travailleurs restent piégés par le système d’exploitation « kafala ».
- L’Arabie saoudite criminalise l’homosexualité et met en danger les supporters et joueurs LGBTQ+.
- La liberté d’expression n’existe pas. Journalistes, blogueurs ou simples fans critiques risquent l’arrestation.
Hypocrisie sur la scène mondiale
Inviter Kevin Hart ou Jo Koy à se produire à Riyad peut changer les gros titres, mais ça ne blanchira pas les abus du Royaume.
Cela pose une question morale pour les artistes :
Comment des humoristes, dont la carrière repose sur la vérité et la satire, peuvent-ils monter sur une scène financée par un régime qui torture ceux qui disent la vérité ?
Les célébrités deviennent les pions d’un jeu géopolitique : la quête saoudienne de légitimité sans rendre de comptes.
Le même dilemme s’impose à la FIFA : accueillir la Coupe du Monde en Arabie, c’est soutenir un régime qui tue des journalistes, emprisonne des militants pacifiques et réduit au silence les femmes.
Les chiffres qui ne doivent pas être ignorés
- Plus de 100 exécutions au premier semestre 2023, certaines pour des infractions non violentes.
- Plus de 90 militants des droits humains actuellement derrière les barreaux, certains pour un simple tweet.
- 170e sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2023 (RSF).
- 53/100 à l’Indice de perception de la corruption de Transparency International.
Est-ce vraiment le type de pays qui mérite d’accueillir un événement vu par des milliards de personnes ?
Le rire ne peut pas cacher le sang
Ce n’est pas une blague lorsque la liberté est un spectacle et non un principe.
Le Riyadh Comedy Festival, tout comme la Coupe du Monde FIFA 2034, est une opération de diversion.
Si nous restons silencieux, nous devenons complices.
Nous envoyons un message : l’argent, le divertissement et le spectacle valent plus que la justice, l’égalité et la dignité humaine.
Refusons que le divertissement devienne une arme
Il est temps de comprendre que ces festivals et ces tournois n’ont rien à voir avec une vraie réforme — c’est du contrôle.
C’est acheter de la légitimité tout en maintenant des dissidents en prison, en exécutant des mineurs et en réduisant au silence toute critique.
La Coupe du Monde FIFA 2034 en Arabie ne sera pas une fête du football. Ce sera une fête du blanchiment culturel et du sportwashing.