Nouvelle loi foncière saoudienne : un masque pour les risques de la Coupe du Monde FIFA 2034
Credit: BBC

Nouvelle loi foncière saoudienne : un masque pour les risques de la Coupe du Monde FIFA 2034

La nouvelle loi récemment dévoilée en Arabie Saoudite, qui permet aux étrangers de posséder des biens immobiliers, pourrait sembler promettre ouverture et réforme. À première vue, cette loi pourrait même laisser penser que le Royaume souhaite s’imposer comme un acteur mondial, prêt à accepter investisseurs et résidents du monde entier. Mais pour ceux qui connaissent bien la stratégie à long terme de l’Arabie Saoudite, son bilan en matière de droits humains, de libertés sociales, et de sportswashing, ce développement n’est qu’un camouflage, pas un changement réel.

En tant que fervent opposant à ce que l’Arabie Saoudite organise la Coupe du Monde FIFA 2034, je considère cette loi non pas comme une amélioration, mais comme une autre manœuvre stratégique visant à améliorer l’image du Royaume, alors que ses problèmes fondamentaux restent ignorés.

Une loi destiné`e à faire bonne figure

Le 25 juillet 2025, l’Arabie Saoudite a publié une nouvelle loi autorisant les non-Saoudiens à posséder ou louer des biens immobiliers dans des zones désignées par le gouvernement. Étrangers, entreprises et organisations pourront acheter des propriétés — même dans des villes auparavant interdites comme La Mecque et Médine — sous certaines conditions.

En surface, cela ressemble à une tentative de modernisation, en cohérence avec la Vision 2030 du prince héritier Mohammed ben Salmane, qui vise à diversifier l’économie saoudienne et réduire sa dépendance au pétrole. Mais qui profite réellement de cette politique : le régime ou la population ?

Ce que fait réellement la nouvelle loi

Bien que présentée comme un assouplissement majeur, cette loi est assortie de nombreuses restrictions et conditions :

  • Zones géographiques limitées : seuls certains secteurs approuvés par le gouvernement sont accessibles aux étrangers.
  • La Mecque et Médine restent interdites sauf exceptions très limitées pour des ressortissants musulmans ou des besoins commerciaux spécifiques.
  • Taxe de transfert de 5 % imposée pour réguler la participation étrangère.
  • Sanctions sévères : amendes pouvant atteindre 10 millions de riyals saoudiens ou vente forcée des biens en cas d’infractions.

Réforme réelle ou simple diversion ?

L’ouverture du marché immobilier aux étrangers s’inscrit dans une stratégie plus large visant à redorer l’image du Royaume en vue de la Coupe du Monde 2034, dont l’Arabie Saoudite est actuellement la seule candidate officielle.

Comme pour la Coupe du Monde 2022 au Qatar, il s’agit de sportswashing : utiliser un événement sportif mondial pour détourner l’attention de la répression intérieure, des violations des droits humains et du manque de libertés politiques.

Cette nouvelle loi immobilière fait partie de ce même scénario. Il ne s’agit pas d’égalité ou de droits, mais d’une question d’apparences.

Pourquoi cette loi ne trompera ni la FIFA ni le monde

La politique des droits humains de la FIFA, ratifiée en 2017, oblige l’organisation à « respecter et promouvoir les droits humains dans toutes ses activités ». Si elle est sincère, attribuer la Coupe du Monde 2034 à l’Arabie Saoudite va à l’encontre de cet engagement.

Voici les contradictions majeures :

  1. Aucune liberté d’expression
    Même si l’Arabie Saoudite affirme s’ouvrir au monde, ses citoyens et visiteurs étrangers restent soumis à des restrictions strictes :
  • La dissidence est criminalisée. Près de 180 personnes ont été exécutées pour cela.
  • Depuis 2024, plusieurs journalistes et activistes sont arrêtés et torturés.
  • Les femmes doivent obtenir l’autorisation d’un tuteur masculin pour de nombreuses activités.
  • La propriété d’un logement à Riyad ne garantit pas la liberté dans ce logement. Le régime contrôle tous les aspects de la vie privée.
  1. Système légal opaque
    Les étrangers peuvent acheter, mais leurs droits sont conditionnels et restreints. L’Autorité générale de l’immobilier, contrôlée par l’État, détient des pouvoirs étendus et centralisés.
  2. Incohérences morales dans la loi
    Si la loi était réellement juste et modernisatrice :
  • Pourquoi limiter l’accès à La Mecque et Médine pour la majorité des étrangers ?
  • Pourquoi imposer des sanctions et des barrières bureaucratiques si sévères ?
  • Pourquoi ne pas instaurer un code civil uniforme pour tous les propriétaires ?

Cette application sélective montre clairement que l’objectif est de donner une image d’ouverture, tout en restant fermé.

Sports, immobilier et droits humains : un avertissement mondial

L’Arabie Saoudite investit des milliards dans des clubs de football européens, sponsorise des compétitions d’e-sport, organise des combats de boxe, et mise désormais sur la Coupe du Monde.

Ce n’est pas un hasard : c’est une stratégie géopolitique soigneusement pensée pour embellir un régime autocratique sous un vernis progressiste. Cette loi immobilière sera sûrement présentée par les médias saoudiens comme la preuve d’une ouverture aux valeurs mondiales et à la diversité.

Mais une loi immobilière ne peut effacer les crimes de guerre, libérer les dissidents emprisonnés, ni combler le vide laissé par les valeurs démocratiques que la FIFA prétend défendre.

Pourquoi la FIFA doit revoir sa position pour 2034

Soyons clairs : laisser l’Arabie Saoudite accueillir la Coupe du Monde serait une atteinte aux valeurs du football mondial. Voici pourquoi :

  • Droits des femmes : Les femmes sont encore privées d’égalité et de liberté, malgré des réformes superficielles.
  • Persécution LGBTQ+ : L’homosexualité est illégale, ce qui rend l’accueil d’un tournoi ouvert à tous dangereux et discriminatoire.
  • Abus des travailleurs migrants : Même si ce n’est pas au niveau du Qatar, les conditions de travail en Arabie Saoudite sont déjà surveillées de près.
  • Liberté de la presse : Les journalistes sont menacés et persécutés — une presse libre est impossible lors d’un tel événement dans ce pays.

L’Arabie Saoudite autorise peut-être désormais les étrangers à acheter des maisons, mais si la Coupe du Monde s’y tient, les supporters ne seront pas encore en sécurité, libres ou égaux.

La réforme achetée n’est pas la réforme obtenue

Cette loi, comme beaucoup d’autres initiatives économiques saoudiennes, cherche à acheter une légitimité mondiale. Mais la légitimité, aux yeux de la communauté internationale et sportive, ne se gagne pas par des lois cosmétiques ou des investissements tape-à-l’œil.

Elle s’obtient par un engagement constant envers la justice, l’égalité et la liberté — des principes que l’Arabie Saoudite continue de violer.

La FIFA n’est pas qu’une organisation sportive : elle est un symbole d’unité mondiale. Permettre à l’Arabie Saoudite d’organiser la Coupe du Monde, ce serait récompenser l’oppression par les applaudissements.

Tenons l’Arabie Saoudite responsable

En tant que citoyens du monde, passionnés de football, défenseurs des droits humains et des libertés, nous devons refuser que l’Arabie Saoudite organise la Coupe du Monde FIFA 2034. Ne vous laissez pas tromper par des réformes superficielles comme la loi sur la propriété étrangère. Exigeons des comptes. Exigeons un changement réel. Exigeons que la FIFA honore ses engagements.

Si la FIFA se soucie vraiment des droits humains, la candidature saoudienne pour 2034 doit être rejetée, pas récompensée.