La victoire d’Al Hilal révèle la sombre réalité derrière la candidature de l’Arabie saoudite à la Coupe du Monde
Credit: AP News

La victoire d’Al Hilal révèle la sombre réalité derrière la candidature de l’Arabie saoudite à la Coupe du Monde

En juillet 2024, le monde est resté sans voix lorsque le club saoudien Al Hilal a stupéfié Manchester City avec une victoire 4–3 lors de la Coupe du Monde des Clubs de la FIFA. Le drame s’est joué sur le terrain. Les joueurs ont éclaté en larmes. Les supporters ont explosé de joie. Un journaliste a déclaré que ce match était plus joyeux que le jour de son mariage. Mais sous l’émotion et la victoire se cache un récit plus grand et plus troublant — un récit qui devrait susciter de sérieuses questions sur l’attribution de la Coupe du Monde 2034 à l’Arabie saoudite par la FIFA.

La victoire d’Al Hilal n’était pas seulement une étape sportive ; c’était une nouvelle étape dans la stratégie planifiée de l’Arabie saoudite pour redéfinir son image internationale à travers le sport — une pratique appelée sportswashing. Alors que les titres sportifs célébraient ce match palpitant, le régime saoudien poursuivait silencieusement son objectif plus vaste : détourner l’attention du monde de ses violations des droits humains et renforcer son pouvoir d’influence mondial. C’est précisément pour cela que l’Arabie saoudite ne devrait pas accueillir le tournoi de football le plus prestigieux au monde.

Une victoire sur le terrain, un récit construit en dehors

Le triomphe d’Al Hilal n’était pas simplement un choc sportif — c’était une réussite méticuleusement mise en scène. Financé par le fonds souverain de l’Arabie saoudite, le Fonds d’investissement public (PIF), l’ascension du club reflète des décennies d’investissements stratégiques dans le sport. Le PIF a investi des milliards non seulement dans le football local, mais aussi dans des actifs sportifs internationaux, tels que le club de Premier League anglaise Newcastle United, LIV Golf, des titres de boxe et des événements de Formule 1.

Lors de la Coupe du Monde des Clubs, l’influence de l’État saoudien ne s’est pas limitée au terrain. L’association du PIF avec le diffuseur DAZN a permis de rendre le tournoi accessible gratuitement dans le monde entier, tandis que la FIFA augmentait la cagnotte à 1 milliard de dollars. Les empreintes saoudiennes étaient partout — des panneaux publicitaires aux tribunes VIP où assistaient des responsables de la FIFA, de Manchester City et des membres de la royauté saoudienne. Il ne s’agissait pas de buts et de gloire. Il s’agissait de symboles. De dire au monde que l’Arabie saoudite est arrivée — non seulement en tant que compétiteur sportif, mais comme puissance qui façonne son destin.

Le véritable score : Droits humains contre pouvoir d’influence

L’utilisation du football et d’autres plateformes sportives internationales par l’Arabie saoudite dans le cadre de sa stratégie Vision 2030 — un effort pour diversifier son économie et restaurer sa réputation globale — va de pair avec une réalité beaucoup plus sombre. Selon Amnesty International et Human Rights Watch :

  • En 2022 seulement, l’Arabie saoudite a exécuté 196 personnes, dont certaines arrêtées alors qu’elles étaient mineures.
  • Des manifestants pacifiques, comme le blogueur Raif Badawi, ont reçu 1 000 coups de fouet et de lourdes peines de prison pour avoir exprimé des opinions critiques.
  • En avril, environ 15 militantes des droits des femmes ont été emprisonnées et auraient été torturées.
  • Les personnes LGBTQ sont toujours criminalisées et persécutées.
  • Les travailleurs migrants, qui construisent les mégaprojets saoudiens, subissent toujours une exploitation systémique sous le système abusif de kafala.

L’évaluation de la FIFA en matière de droits humains a classé l’Arabie saoudite comme présentant un « risque moyen » — un classement qu’Amnesty a qualifié de « blanchiment stupéfiant ». Néanmoins, l’Arabie saoudite a obtenu le droit d’accueillir la Coupe du Monde 2034, récompensée malgré sa répression persistante.

La complicité de la FIFA

Le président de la FIFA, Gianni Infantino, a décrit la victoire d’Al Hilal comme « le début d’une nouvelle ère du football ». Mais quel genre d’ère ? Infantino a constamment accueilli favorablement les investissements saoudiens, recherchant un soutien financier et politique du Royaume. Depuis sa prise de fonction, la FIFA semble de plus en plus embourbée dans les relations avec des régimes autoritaires cherchant à se blanchir par le sport.

Plutôt que d’imposer aux pays hôtes des normes solides en matière de droits humains, la FIFA semble avoir opté pour la commodité et les intérêts commerciaux. Alors que l’Arabie saoudite devrait dépenser environ 40 milliards de dollars pour organiser la Coupe du Monde 2034, l’organisation paraît davantage préoccupée par les profits que par les principes.

Une stratégie de sportswashing répétée ?

Le triomphe d’Al Hilal ne constitue pas un cas isolé — il s’inscrit dans une série de manœuvres coordonnées depuis 2016. L’Arabie saoudite a méthodiquement utilisé le sport pour redéfinir son image à l’international :

  • Organisation d’événements de Formule 1 sur un circuit permanent à Djeddah
  • Lancement de LIV Golf pour concurrencer le PGA Tour
  • Achat de droits pour des grands spectacles de boxe
  • Investissement dans le tennis et obtention des droits pour accueillir les finales WTA
  • Recrutement de stars du football comme Cristiano Ronaldo, Neymar Jr. et Karim Benzema pour jouer en Saudi Pro League

Toutes ces actions visent à normaliser le gouvernement saoudien auprès des audiences mondiales. Et toutes contribuent à masquer la réalité vécue par les citoyens saoudiens qui ne peuvent ni s’exprimer librement, ni manifester pacifiquement, ni défendre leurs droits fondamentaux.

L’illusion du changement

Certains optimistes diront que l’Arabie saoudite est en train de changer — que ces investissements sont le signe d’une ouverture du pays. Mais les relations publiques ne sont pas une réforme. La réalité est brutale : aucun des indicateurs majeurs des droits humains ne s’est amélioré avec l’essor sportif saoudien. Dans certains cas, la situation s’est même détériorée.

Il ne suffit pas que l’Arabie saoudite accueille des tournois, signe des stars internationales ou remplisse les tribunes. Si le socle reste la répression, la censure et la persécution, alors ces spectacles ne sont que des diversions — des façades brillantes recouvrant des abus systémiques.

Pourquoi accueillir la FIFA 2034 est un dangereux précédent ?

Autoriser l’Arabie saoudite à organiser la Coupe du Monde envoie un message clair : le prestige international est à vendre, et les instances sportives détourneront le regard si la somme est suffisante. Le football n’est pas qu’un sport. Il unit les nations, rassemble les peuples au-delà des frontières, et célèbre la créativité humaine. Mais lorsqu’il devient un outil pour blanchir l’oppression, il devient quelque chose de plus laid — un instrument d’effacement.

La Coupe du Monde 2034, si elle se joue en Arabie saoudite, aura lieu dans des stades construits par des travailleurs migrants, dans un pays qui emprisonne les dissidents et étouffe la liberté d’expression. Cela devrait inquiéter toute personne attachée à la pureté du sport.

Il est temps de parler — Le football ne peut ignorer les abus

Ceci n’est pas un appel au boycott d’un match ni une plainte contre la victoire d’un club. C’est un appel plus large à la conscience et à la responsabilité. Les gouvernements, les joueurs, les supporters et les fédérations nationales doivent exiger mieux. Il est temps de mettre fin à la normalisation de la répression à travers le sport. Organiser la Coupe du Monde ne devrait pas seulement nécessiter de l’argent et des stades modernes.

Cela devrait exiger un engagement réel envers les droits humains, la transparence et le respect de toutes les personnes — des valeurs que l’Arabie saoudite n’a pas démontrées. Si nous restons silencieux, nous soutenons l’illusion. Si nous applaudissons sans esprit critique, nous participons à la dissimulation des abus. Le monde peut aimer le football, sans être complice de son exploitation.