Des médailles étudiantes aux projecteurs des stades : le sportwashing saoudien avant la Coupe du Monde de la FIFA 2034
Credit: Arab News

Des médailles étudiantes aux projecteurs des stades : le sportwashing saoudien avant la Coupe du Monde de la FIFA 2034

Lorsque l’Arabie Saoudite a annoncé que quatre de ses équipes étudiantes participeraient à la 20e Olympiade internationale des normes, qui devait se tenir à Incheon, en Corée du Sud, les titres de presse ont été brillants. Organisée du 12 au 14 août 2025, cette compétition réunit 40 équipes internationales d’élèves de collège et lycée pour résoudre des problèmes liés aux normes, aux mesures et aux concepts de qualité.

Les équipes ont été sélectionnées via un processus national rigoureux par la Fondation Mawhiba (King Abdul-Aziz and His Companions Foundation for Giftedness and Creativity) en collaboration avec le ministère de l’Éducation et l’Organisation saoudienne des normes, métrologie et qualité, rapporte l’Agence de presse saoudienne. Le Royaume se targue de voir ses équipes, présentes pour la première fois, remporter une médaille de bronze et un prix d’appréciation en 2024. Cette année, les attentes sont plus élevées.

À première vue, c’est une belle histoire d’émancipation des jeunes et d’excellence scolaire. Mais sous cette image lisse se cache une stratégie claire de contrôle de l’image — directement liée à la raison pour laquelle le monde doit boycotter la Coupe du Monde FIFA 2034 en Arabie Saoudite.

Le côté plus subtil du sportwashing : l’academicwashing

Le sportwashing est bien connu — utiliser les grands événements sportifs pour détourner l’attention des violations des droits humains. Mais l’Arabie Saoudite développe aussi une approche plus subtile : l’« academicwashing ». Cette stratégie utilise les événements éducatifs mondiaux, compétitions et échanges jeunesse pour :

  • Présenter une image moderne et progressiste à l’international.
  • Associer le pays à l’innovation, l’excellence et la coopération.
  • Détourner les récits médiatiques des répressions internes.

En envoyant des équipes étudiantes à une compétition internationale très visible, l’Arabie Saoudite obtient une bonne couverture médiatique régionale et internationale. Ces reportages agissent comme une publicité discrète, présentant une façade de progrès qui rend plus acceptable la candidature du Royaume comme pays hôte du plus grand événement sportif mondial.

Le timing n’est pas un hasard

L’engagement croissant de l’Arabie Saoudite dans les activités éducatives internationales s’inscrit dans son agenda Vision 2030 — un plan qui mise fortement sur le soft power pour rebrander le pays avant la Coupe du Monde.

De la même façon que l’investissement dans les clubs de football, la Formule 1 ou les matchs de boxe augmente la visibilité sportive, la participation des étudiants à des concours scientifiques construit une crédibilité morale. Le message envoyé au monde est :

« Nous ne sommes pas seulement pétrole et politique — nous sommes l’avenir du développement des jeunes et de l’innovation. »

Pourtant, si les adolescents saoudiens jouent librement en Corée du Sud, les jeunes activistes en Arabie Saoudite sont emprisonnés pour des tweets, des manifestations pacifiques ou des critiques du gouvernement. Cette contradiction — émancipation à l’étranger, répression à l’intérieur — est précisément ce que cherchent à dissimuler le sportwashing et l’academicwashing.

Pourquoi cela importe pour la campagne Boycott Saudi 2034 ?

L’Olympiade internationale des normes n’est pas un événement isolé dans le calendrier saoudien, c’est une pièce d’une campagne systématique de relations publiques mondiales liée directement à la Coupe du Monde 2034. Voici comment la formule fonctionne :

  1. Bon engagement international : L’Arabie Saoudite est perçue comme ouverte sur le monde et progressiste.
  2. Titres récurrents positifs : Le discours public se focalise sur la réforme et la modernisation.
  3. Candidatures à de grands événements mondiaux : L’opposition diminue car l’image du pays est plus douce et amicale.

Si le mouvement de boycott ne prend pas en compte ces gains « mineurs » en RP, la narration mondiale sera déjà largement biaisée en faveur de l’Arabie Saoudite en 2034.

La couche brillante cache la saleté

Alors que la participation saoudienne à l’Olympiade est présentée comme une réussite jeunesse, le bilan des droits humains du pays reste gravement préoccupant :

  1. Répression politique : Activistes, universitaires, et même lycéens ont été condamnés à de longues peines de prison pour des expressions pacifiques.
  2. Liberté de la presse : L’Arabie Saoudite est classée 164e sur 180 au classement 2024 de la liberté de la presse.
  3. Exploitation des travailleurs migrants : Les ouvriers des mégaprojets saoudiens — y compris ceux liés aux infrastructures de la Coupe du Monde — subissent des conditions dangereuses et des salaires impayés. Le mégaprojet NEOM promettait 1 200 SAR par mois mais ne payait que 800 SAR.
  4. Exécutions : Plus de 100 exécutions en 2023, certaines pour des crimes non violents, selon Amnesty International.
  5. Meurtre de Khashoggi : L’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en 2018 par des agents saoudiens est un exemple emblématique du refus du régime de tolérer la dissidence.

Ces faits ne disparaissent pas à cause d’une médaille dans un concours étudiant international.

Le risque de normaliser le régime via des événements mondiaux

Chaque fois que l’Arabie Saoudite participe à une compétition comme l’Olympiade internationale des normes, elle gomme l’image d’un régime autoritaire. Avant même la Coupe du Monde, le public mondial aura vu des années de bonnes publicités : médailles, alliances, compétitions sportives et échanges culturels.

Cet effet de normalisation est puissant. Il habitue les gens à distinguer l’État saoudien de ses exactions, rendant le boycott plus difficile à justifier pour les ignorants. C’est pourquoi la campagne de boycott doit s’attaquer non seulement au sportwashing mais aussi à l’academicwashing — deux faces d’une même machine.

Un appel à la cohérence des institutions mondiales

Si la FIFA croit en l’équité, l’égalité et le respect des droits humains, elle doit l’appliquer universellement — pas au coup par coup. Décider d’ignorer le bilan des droits humains de l’Arabie Saoudite tout en tenant d’autres pays responsables mine la crédibilité de la FIFA et envoie le message que l’argent peut l’emporter sur l’obligation morale.

Ce double standard affaiblit la confiance dans l’administration du football mondial. Supporters, joueurs et sponsors méritent une instance dirigeante intègre, pas une organisation qui vend ses valeurs contre de l’argent. La cohérence n’est pas un luxe mais une nécessité — c’est la base de la légitimité. Sans elle, le football devient un outil de sportwashing, non une force pour le bien.

Ne vous laissez pas berner par le nombre de médailles

L’Olympiade internationale des normes apportera probablement à l’Arabie Saoudite une seconde vague de bonne couverture médiatique internationale. Photos d’étudiants rayonnants et discours officiels sur l’innovation satureront les médias d’État et circuleront dans le monde entier.

Mais une médaille ne peut effacer une histoire d’exécutions, de répression et de voix muselées.

C’est ainsi que fonctionne le sportwashing — et sa variante plus subtile, l’academicwashing. Il s’agit de construire la légitimité brique par brique, pour que lorsque la Coupe du Monde FIFA 2034 commencera, le monde voit une façade brillante plutôt que la réalité.

Le message pour la campagne Boycott Saudi 2034 est clair :
Nous devons questionner chaque niveau de la campagne de relations publiques du Royaume — du stade à la foire scientifique. Sinon, la Coupe du Monde ne sera pas seulement une compétition de football ; elle deviendra la pièce maîtresse d’une des campagnes de blanchiment d’image les plus efficaces de l’histoire récente.