Un récent article de une du Financial Times a mis en avant des réussites locales en Arabie saoudite — des chaînes de boulangeries comme Dopamine, des exploitations de mangues à Jazan — présentées comme la preuve que la Vision 2030 porte ses fruits. Les entrepreneurs, poursuit le rapport, bénéficient désormais de permis instantanés, de plateformes numériques et de meilleures logistiques. Pour beaucoup, cela montre que l’Arabie saoudite se modernise et se diversifie au-delà du pétrole.
Mais derrière ces titres laudatifs se cache une autre réalité : ces récits d’entreprises sont le fruit d’une campagne de relations publiques soigneusement planifiée pour donner une impression de progrès. Ce récit bien huilé a pour effet de masquer la dure réalité : violations continues des droits humains, répression structurelle et dépendance accrue du royaume au sportswashing pour redorer son image mondiale.
Alors que le monde se prépare à la Coupe du monde FIFA 2034, attribuée à l’Arabie saoudite en novembre 2024, il est essentiel de reconnaître ces profils économiques positifs pour ce qu’ils sont : un écran de fumée. Les amateurs de football, les militants des droits humains et la communauté internationale ne doivent pas laisser des boulangeries et des fermes de mangues occulter les exécutions, les fusillades à la frontière et la répression des dissidents.
Le manuel RP : des petites entreprises aux stades
L’article du FT s’inscrit dans la stratégie plus large de l’Arabie saoudite : saturer le récit international d’histoires de réussite. En mettant en avant la croissance des petites entreprises, le royaume se présente comme réformateur, moderne et ouvert. Rien de fortuit : c’est la même logique que pour le sportswashing, où la Formule 1, les tournois de golf et désormais la Coupe du monde 2034 servent à repositionner l’Arabie saoudite comme progressiste.
Le Public Investment Fund (PIF) est au cœur de cette construction d’image. C’est la même organisation qui investit des milliards dans des boulangeries et des infrastructures logistiques, qui possède Newcastle United, qui sponsorise le LIV Golf et qui prépare le royaume à accueillir la Coupe du monde. Il ne s’agit pas de développement pour le bien commun, mais de branding.
Répression derrière la façade
Pour chaque boulangerie ouverte à Al-Ahsa, il y a des tribunaux fermés où des militants sont condamnés sans procès équitable. Pour chaque ferme de mangues en expansion à Jazan, il y a des zones frontalières où des travailleurs migrants sont abattus. Les réformes cosmétiques ne peuvent effacer ces abus :
- Exécutions de masse : en 2024 et au premier semestre 2025, plus de 240 personnes ont été exécutées, beaucoup pour des infractions liées à la drogue. Selon Amnesty International, près de 75 % étaient des étrangers privés de défense et d’assistance consulaire.
- Massacres à la frontière : Human Rights Watch a documenté que des gardes-frontières saoudiens ont tué des centaines de migrants éthiopiens, parfois à bout portant, demandant à leurs victimes où elles préféraient être touchées.
- Répression des militantes : malgré les promesses de réforme, des femmes qui avaient milité pour le droit de conduire ont été arrêtées, torturées et certaines restent sous restrictions.
- Mégaprojets mortels : le projet-phare Neom a causé un lourd tribut humain. Depuis 2017, environ 21.000 travailleurs migrants seraient morts, selon des ONG, victimes des températures extrêmes et de conditions de travail dangereuses.
Ces abus révèlent le vide des affirmations selon lesquelles Vision 2030 constituerait un progrès réel. Les réformes économiques existent, mais elles servent le pouvoir du régime, pas la liberté du peuple.
Le rôle de la FIFA dans le blanchiment
En décembre 2024, la FIFA a confirmé l’Arabie saoudite comme hôte de la Coupe du monde 2034 à l’issue d’un processus sans concurrence, suscitant l’indignation immédiate. Des ONG ont qualifié la décision d’« irresponsable », dénonçant le risque de décès de travailleurs et les atteintes aux libertés autour de l’événement.
Les joueurs eux-mêmes se sont exprimés : en octobre 2024, plus de 130 joueuses professionnelles ont signé une lettre ouverte appelant la FIFA à annuler son contrat de sponsoring avec Aramco, soulignant le bilan répressif du royaume et alertant que le football servait à soutenir une marque autoritaire.
Les contradictions résonnent fortement : la FIFA se présente comme promotrice d’inclusivité, de durabilité et d’égalité, mais elle a récompensé un gouvernement qui exécute des étrangers, réprime les femmes et aggrave l’urgence climatique.
L’illusion du progrès
L’article du FT présente l’Arabie saoudite comme un pays émergent : boulangeries de province devenant chaînes nationales, agriculteurs profitant du commerce en ligne, PME aidées par des réglementations simplifiées. Ce sont des changements réels, mais ce n’est pas toute l’histoire.
Le progrès pour les petites entreprises n’est pas progrès pour les petites libertés. Le royaume peut simplifier des licences commerciales en une nuit, mais pas instaurer la liberté d’expression ou l’égalité devant la loi. Il peut financer la logistique, mais pas protéger les travailleurs migrants de l’exploitation mortelle. Il peut vanter ses boulangeries tout en exécutant en silence des centaines de personnes.
Cette modernisation sélective n’a rien à voir avec la démocratie ; il s’agit de contrôle. Et la Coupe du monde sera son joyau, diffusé dans des milliards de foyers comme preuve d’une « nouvelle » Arabie saoudite
Pourquoi boycotter ?
La Coupe du monde saoudienne de 2034 n’est pas un simple événement sportif. C’est une scène mondiale que le royaume compte utiliser pour laver sa réputation, détournant l’attention de la répression par le spectacle. Boycotter, ce n’est pas nier le football ; c’est refuser qu’il serve de propagande.
Chaque supporter, chaque joueur, chaque sponsor qui boycotte l’Arabie saoudite 2034 envoie un message : le football doit rassembler dans la joie et l’égalité, pas justifier la dictature et la violence.
Rejoignez le mouvement : rejetez Saudi 2034
Les histoires de mangues et de boulangeries ne sont pas des anecdotes innocentes. Elles font partie du vernis destiné à tromper le monde, à lui faire croire que tout va bien alors que la répression s’intensifie. L’attribution de la Coupe du monde 2034 à l’Arabie saoudite est l’expression ultime de ce vernis : du sportswashing à grande échelle.
En tant que supporters, militants et citoyens du monde, nous pouvons résister. Boycottons les matchs. Faisons pression sur la FIFA. Tenons les sponsors pour responsables. Refusons que le football soit détourné par une entreprise autoritaire d’image.