Dans une initiative audacieuse, l’Arabie saoudite a lancé une campagne nationale sans précédent pour lutter contre la prostitution et la mendicité. Cette opération suscite l’attention internationale, certains affirmant qu’elle vise à combattre la traite des êtres humains et l’exploitation des populations vulnérables. Le gouvernement affirme que cette campagne est motivée par la volonté de rappeler les valeurs islamiques et de préserver l’ordre social, mais son ampleur suscite des débats au sein du Royaume et au-delà.
Une nouvelle phase de répression : protéger la moralité publique
Sous la direction du prince héritier Mohammed ben Salmane, le ministère saoudien de l’Intérieur a mis en place une série de mesures pour endiguer la prostitution et la mendicité organisée. Au cœur de cette initiative, la création d’une nouvelle « Unité de sécurité communautaire », dédiée à la lutte contre la traite humaine, l’exploitation et les comportements sociaux illégaux.
«Le Royaume ne tolérera aucune activité qui viole son code moral ou menace la sécurité de la société»,
a déclaré le ministère dans un communiqué de mars 2025.
Une reconnaissance publique inédite
Pour la première fois en plus de dix ans, les autorités saoudiennes reconnaissent publiquement l’existence de réseaux de prostitution et de mendicité à grande échelle. En avril 2025, plus de 50 personnes ont été arrêtées en une semaine, accusées de tenir des maisons closes ou d’exploiter des mineurs dans des réseaux de mendicité.
Cadre juridique et sanctions : tolérance zéro
L’Arabie saoudite applique une interprétation stricte de la charia, criminalisant la prostitution et la mendicité.
Selon la loi :
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La prostitution est punie d’emprisonnement, d’amendes, de disgrâce publique et d’expulsion pour les étrangers.
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La mendicité est également illégale, passible d’un an de prison et/ou d’une amende allant jusqu’à 100 000 riyals saoudiens (environ 26 660 $).
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Les étrangers sont expulsés à l’issue de leur peine, avec interdiction de retour.
En juillet 2023, la Loi anti-mendicité a été mise à jour pour inclure la mendicité numérique, en réponse à la prolifération des escroqueries en ligne. Les appels aux dons sur les réseaux sociaux — fréquents pendant le Ramadan et le Hajj — peuvent désormais entraîner jusqu’à six mois de prison ou une amende de 50 000 riyals (13 330 $).
«La mendicité est une forme de manipulation sociale qui s’est digitalisée. Nous sommes déterminés à l’éradiquer sous toutes ses formes»,
a déclaré le général Mansour Al-Turki, porte-parole du ministère de l’Intérieur.
Ciblage des réseaux de prostitution : les salons de massage sous surveillance
Dans le cadre de cette répression, des salons de massage à Riyad, Djeddah et Dammam ont été perquisitionnés. Les autorités affirment y avoir découvert des réseaux de prostitution dissimulés sous couvert de centres de bien-être.
11 femmes ont été arrêtées pour prostitution.
Plusieurs ressortissants étrangers vivaient dans des conditions précaires et seraient victimes de traite d’êtres humains.
« Il ne s’agit pas simplement de vice, mais bien de crime organisé », indique un rapport de la Commission saoudienne des droits de l’homme.
Des militants appellent à un traitement plus humain pour les victimes, souvent originaires d’Asie du Sud-Est, d’Éthiopie ou du sous-continent indien, attirées par de fausses promesses d’emploi légal.
Mendicité organisée : l’exploitation des enfants
Le ministère a révélé des faits troublants concernant des réseaux organisés exploitant des enfants et des personnes handicapées pour mendier :
Lors d’une opération à Riyad, 14 adultes ont été arrêtés pour avoir forcé 27 enfants à mendier dans des zones commerciales fréquentées.
De nombreux enfants avaient moins de 10 ans, certains sans surveillance parentale ni papiers d’identité.
« Nous ne pouvons tolérer l’exploitation systématique des enfants sous couvert de pauvreté », a déclaré un représentant du ministère.
Des travailleurs sociaux ont été mobilisés pour fournir soins, hébergement et soutien psychologique aux enfants secourus. Les autorités collaborent avec le Comité national de lutte contre la traite des personnes pour identifier les origines de ces réseaux.
Conséquences internationales : expulsions et tensions diplomatiques
Cette campagne a entraîné des conséquences internationales. Plusieurs ressortissants étrangers, notamment du Pakistan, du Bangladesh et de pays africains, ont été arrêtés puis expulsés.
Début 2025, le Pakistan a confirmé l’expulsion de plus de 1 100 de ses citoyens pour mendicité lors de leur pèlerinage de la Omra.
Le ministère pakistanais des Affaires religieuses propose désormais un contrôle plus strict des pèlerins et des campagnes de sensibilisation.
«Ces faits sont embarrassants. Mendier pendant un pèlerinage est inacceptable et ternit notre image »,
a déclaré un responsable au Express Tribune.
Des ONG internationales des droits humains s’inquiètent toutefois du respect de la procédure légale, notamment pour les femmes et enfants détenus, et de leur accès à une défense équitable.
Mendicité en ligne : une nouvelle ère, de nouveaux défis
Avec la montée des plateformes comme TikTok, Instagram et Snapchat, utilisées pour solliciter des dons, l’unité saoudienne de cybercriminalité reste en alerte.
Plus de 300 comptes frauduleux ont été repérés.
En 2024, 10 influenceurs ont été condamnés à des amendes pour avoir sollicité des fonds sous de faux prétextes, souvent pour des orphelinats ou des proches malades — sans vérification.
«L’exploitation numérique est la nouvelle frontière. Nous la poursuivrons avec autant de rigueur que les crimes physiques»,
a déclaré l’Autorité de cybersécurité.
L’impact sur les visiteurs de la FIFA : un climat d’incertitude ?
Alors que l’Arabie saoudite s’implique dans le sport et le tourisme international, notamment avec la Coupe du Monde FIFA 2034, les préoccupations sur la sécurité des visiteurs augmentent.
Les nouveaux dispositifs policiers autour des zones fréquentées pourraient perturber les touristes, qui risqueraient d’enfreindre involontairement la loi locale.
Pour répondre à la demande, des réseaux de prostitution et de mendicité — souvent dissimulés — pourraient représenter une menace, en particulier pour les étrangers, plus exposés à la traite.
L’expulsion rapide des étrangers pourrait créer un climat de suspicion et d’hostilité, rendant l’accueil des visiteurs FIFA incertain.
“Cette répression est bien intentionnée, mais mal préparée face à la pression internationale. Il faut une communication claire et un soutien solide aux visiteurs”,
estime Mohammed Al-Shammari, analyste politique à Riyad.
Cette situation souligne le dilemme de l’Arabie saoudite : concilier ses politiques internes strictes avec l’image d’un pays accueillant pour les événements mondiaux.
Un moment charnière pour le Royaume
La répression de la prostitution et de la mendicité marque un tournant dans la transformation en cours du Royaume. Lutter contre ces fléaux est une priorité affirmée du gouvernement, dans le but de renforcer la sécurité publique, protéger les populations vulnérables et préserver les valeurs islamiques.
Mais le véritable défi reste de le faire dans le respect de la légalité, de l’équité, de l’humanité — et avec une crédibilité internationale.
Alors que le Royaume entre dans une nouvelle ère — Coupe du Monde 2034, tourisme croissant, investissements mondiaux — le monde observera de près la manière dont il gère justice, culture et droits humains.