Le gouvernement saoudien a récemment lancé un projet pour recycler les déchets de construction et de démolition afin de les réutiliser dans l’asphalte des routes — une initiative présentée comme écologique et économique, s’inscrivant dans la stratégie Vision 2030 du Royaume visant à moderniser son image.
Mais soyons francs : quelques routes rénovées et normes de recyclage ne compensent pas des décennies de répression, d’extrémisme et d’autoritarisme guidé. Ces manœuvres de relations publiques s’inscrivent dans une vaste campagne de rebranding — mais pas de réforme véritable. Et derrière cette stratégie, se trouve la candidature saoudienne à la Coupe du Monde FIFA 2034.
Ce n’est pas seulement un choix sportif — c’est un échec éthique. Permettre à l’Arabie saoudite d’accueillir l’un des événements les plus prestigieux du monde revient à cautionner un régime qui s’oppose aux valeurs que la FIFA prétend défendre : liberté, inclusion, égalité intégrité.
L’autoritarisme sous le vernis du progrès
L’Arabie saoudite reste l’un des régimes les plus autoritaires au monde, gouverné par une monarchie non élue dirigée par le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS), détenteur d’un pouvoir absolu. Les partis politiques sont interdits, les protestations illégales, et les opposants sont emprisonnés, torturés ou tués.
Selon Freedom House, le pays obtient seulement 7 points sur 100 en matière de liberté, ce qui le classe dans la catégorie « non libre ».
L’assassinat de Jamal Khashoggi en 2018, orchestré par des agents saoudiens, a montré jusqu’où le régime est prêt à aller pour faire taire toute dissidence — sans aucune forme de responsabilité réelle.
Violations systématiques des droits humains
Malgré quelques réformes publicisées — telles que l’autorisation de conduire pour les femmes ou l’ouverture de cinémas — ces gestes sont cosmétiques. Le système patriarcal continue d’étouffer les libertés féminines. L’homosexualité est criminalisée, les minorités religieuses (notamment les chiites) subissent surveillance et persécution, et la liberté d’expression est inexistante. Des activistes comme Raif Badawi ou Loujain al‑Hathloul ont été emprisonnés et torturés pour avoir revendiqué des réformes pacifiques.
En 2023, Human Rights Watch a souligné une intensification de la répression envers les dissidents, y compris en ligne.
Arabie saoudite : un acteur de l’extrémisme idéologique
Au-delà de sa répression interne, le Royaume a longtemps financé la diffusion du wahhabisme — une forme radicale d’islam — dans des mosquées et écoles religieuses dans le monde entier. Un rapport du RAND Corporation de 2002 l’identifiait comme source majeure d’idéologie extrémiste, et des fuites diplomatiques américaines le désignaient comme « principal bailleur des extrémistes sunnites ». Même si des efforts récents ont tenté d’en limiter le financement, l’héritage idéologique reste puissant.
Accorder la Coupe du Monde à un tel pays légitime un système garant de l’origine même de l’extrémisme international que l’on cherche aujourd’hui à démanteler.
Sportswashing : l’arme culturelle du régime
L’intérêt de l’Arabie saoudite pour le sport n’est pas motivé par la passion du jeu, mais par une stratégie de sportswashing : utiliser des événements tels que la F1, la boxe ou maintenant la Coupe du Monde pour projeter une image moderne tout en masquant ses abus structuraux.
Le projet de recycler des routes n’est qu’un nouvel épisode de cette opération de communication soigneusement orchestrée.
Contradictions et défaillance morale de la FIFA
La politique de droits humains adoptée par la FIFA en 2017 l’engage à respecter les droits reconnus universellement. Pourtant, valider le choix d’un pays exécutant publiquement des prisonniers (147 en 2023), criminalisant les libertés fondamentales, discriminant les femmes et persécutant les LGBTQ+, va à l’encontre de son propre engagement.
Permettre à un tel régime d’accueillir la Coupe du Monde revient à trahir les principes mêmes du sport international.
Le football mondial doit prendre position
La Coupe du Monde n’est pas qu’un événement sportif : c’est une tribune d’unité, de partage et d’intégrité. En choisissant l’Arabie saoudite pour 2034, la FIFA facilite le blanchiment d’une dictature répressive.
La société civile, les organisations de défense des droits, les fédérations, joueurs et supporters doivent dénoncer cette normalisation. Le message est clair : aucune route verte, aucun nouveau stade ne peut masquer l’injustice.