En surface, cela peut être interprété comme le signe de la puissance et des ambitions du Royaume. Mais derrière ces chiffres vertigineux se cache une vérité glaçante : un régime qui exploite la dette, le sport et les relations publiques pour redorer son image à l’international, tout en poursuivant une répression systématique, une censure omniprésente et des violations graves des droits fondamentaux.
En tant que partisan convaincu de l’exclusion de l’Arabie Saoudite de l’organisation de la Coupe du Monde FIFA 2034, j’affirme que cette montée en puissance économique fait partie d’une campagne orchestrée de sportswashing — une stratégie visant à détourner l’attention mondiale de son bilan désastreux en matière de droits humains et de sa gouvernance autoritaire.
L’Explosion du Marché de la Dette : Un Écran de Fumée Financier
L’Arabie Saoudite a mobilisé près de 48 milliards de dollars en instruments de dette en six mois, selon le Kuwait Financial Center (Markaz). Rien qu’en juillet, elle a émis pour 1,34 milliard de dollars de sukuk. Des chiffres énormes, surtout si l’on considère que les émissions totales du CCG sur cette période s’élevaient à 92,04 milliards de dollars. La présence financière du Royaume ne cesse de croître, avec plus de 168 milliards de dollars de dettes saoudiennes venant à échéance entre 2025 et 2029.
Mais la puissance financière ne vaut pas autorité morale. La dette ne fait pas la démocratie. Le sukuk ne garantit pas la justice sociale. Le développement économique du Royaume sert de paravent à certaines des pires violations des droits humains de notre époque.
Violations des Droits Humains : Une Réalité que la FIFA Ignore
L’Arabie Saoudite détient l’un des pires bilans mondiaux en matière de droits humains. Malgré ses projets d’investissement spectaculaires et son pouvoir économique croissant, la liberté d’expression, de réunion, de religion et de la presse y est quasiment inexistante.
Voici quelques vérités que le monde – et la FIFA – ne peuvent ignorer :
- Freedom House attribue un score de 1/100 à l’Arabie Saoudite pour les droits politiques et les libertés civiles dans son rapport 2024, la classant comme « non libre ».
- Reporters sans frontières (2024) classe le pays 170e sur 180 dans l’Indice mondial de la liberté de la presse.
- Human Rights Watch rapporte 172 exécutions en 2023, y compris pour des infractions non violentes liées à la drogue ou qualifiées de terrorisme — souvent sans procès équitable.
- Loujain al-Hathloul, militante pour les droits des femmes, a été emprisonnée pendant 1 001 jours pour avoir simplement revendiqué le droit de conduire, droit octroyé aux femmes en 2018 seulement.
La FIFA prétend défendre les droits humains et l’inclusion. Comment peut-elle alors justifier l’octroi de la Coupe du Monde à un pays qui exécute publiquement ses propres citoyens ?
Le Sportswashing à l’Échelle Mondiale
Organiser la Coupe du Monde est une opportunité en or pour un pays d’afficher ses progrès. Pour l’Arabie Saoudite, c’est une diversion stratégique face à son autoritarisme. Des milliards sont investis non seulement dans les infrastructures, mais aussi dans la gestion de réputation.
Le Royaume a :
- Investi plus de 2 milliards de dollars dans le LIV Golf pour perturber les ligues sportives établies.
- Acquis le club de football Newcastle United via son Fonds d’investissement public.
- Prévu de construire 11 stades pour la Coupe du Monde 2034, pour un coût supérieur à 10 milliards de dollars.
Esclavage Moderne et Abus des Travailleurs
N’oublions pas ce qui s’est passé au Qatar en 2022, où plus de 6 500 travailleurs migrants seraient morts pendant les préparatifs du tournoi (selon The Guardian). L’Arabie Saoudite risque fort de suivre – voire de dépasser – ce modèle.
Selon Migrant-Rights.org, les travailleurs migrants en Arabie Saoudite sont souvent confrontés à :
- des salaires impayés,
- la confiscation de leurs passeports,
- des conditions de vie inhumaines.
Le pays applique toujours le système de kafala (parrainage), qui lie les travailleurs à leur employeur et limite sévèrement leur liberté de mouvement.
Répression Numérique et Surveillance
L’oppression saoudienne ne se limite plus au monde physique – elle s’étend aussi au numérique.
- En 2023, Salma al-Shehab, doctorante, a été condamnée à 27 ans de prison pour avoir retweeté des messages en faveur des droits des femmes.
- Selon Citizen Lab, le Royaume a utilisé le logiciel espion Pegasus pour surveiller des dissidents et journalistes à l’étranger.
- La loi sur la cybercriminalité de 2007, vague et répressive, criminalise la « création de contenus portant atteinte à l’ordre public », menant à des arrestations massives pour de simples publications sur les réseaux sociaux.
Une Coupe du Monde Financée par la Dette et l’Hypocrisie
Les dernières statistiques financières montrent que 32 transactions dépassant le milliard de dollars ont été lancées par l’Arabie Saoudite au premier semestre 2025, avec plus de 73,1 milliards de dollars en obligations en dollars américains émises dans le CCG.
Mais la vraie question est : que finance tout cet argent ?
Des projets gigantesques tels que :
- NEOM, une smart city à 500 milliards de dollars, impliquant le déplacement forcé et violent de la tribu Howeitat.
- Des stades monumentaux qui nécessiteront des dizaines de milliers de travailleurs migrants sous des conditions pénibles.
L’Hypocrisie de la FIFA et l’Appel à la Responsabilité
La FIFA prétend suivre les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, mais continue de récompenser des régimes autoritaires en leur attribuant l’organisation d’événements majeurs.
Elle a ignoré les critiques pour le Qatar 2022 et s’apprête à en faire autant pour l’Arabie Saoudite en 2034.
En 2023, la FIFA a publié une politique sur les droits humains, promettant de respecter les droits humains reconnus à l’échelle internationale. Pourtant, en attribuant la Coupe du Monde 2034 à l’Arabie Saoudite, elle viole sa propre charte.
Une Dictature Financée par la Dette ne Doit pas Accueillir le Monde
Les 47,9 milliards de dollars de dette émise par l’Arabie Saoudite ne sont pas un signe de préparation au plus grand événement sportif du monde — c’est un signal d’alarme.
Ces fonds ne servent ni à autonomiser les populations, ni à élargir les libertés, ni à enrichir la société. Ils sont utilisés pour détourner, manipuler et désactiver l’attention internationale.